LE FIGARO. – Après avoir occupé une place importante au sein du Front devenu Rassemblement national depuis 2015 – au point de vous être fait élire sous ses couleurs et d’avoir siégé dans certaines de ses instances -, vous avez récemment pris vos distances. Où en êtes-vous de votre réflexion ?

Philippe VARDON. – Je rejoins Reconquête!, le parti d’Éric Zemmour. C’est une décision guidée par la volonté de clarté, de cohérence, et – c’est central pour moi – d’efficacité. Dans mon engagement, j’ai toujours cherché à être là où j’avais le sentiment de pouvoir être le plus utile à ce que je pense juste. Ces quelques mois aux côtés des dirigeants et militants de Reconquête! comme «compagnon de route», et notamment l’Université d’été qui m’a beaucoup impressionné, m’ont convaincu que c’était là ma place.

Avec 7% à la présidentielle et aucun élu aux législatives, est-il pertinent de rejoindre aujourd’hui un parti dont l’avenir à court terme semble difficile ?

Je n’ai jamais envisagé l’action politique sur le «court terme». Je crois tout au contraire que c’est l’école de la patience, de l’endurance, même. À la manière du vieux soldat de Péguy, «j’ai tant vu de défaites qui arrivaient après des victoires, et j’ai tant vu, aussi, de victoires qui arrivaient après des défaites, que je ne crois plus jamais que c’est fini». Éric Zemmour a rassemblé 2,5 millions d’électeurs lors de la présidentielle, arrivant largement devant la candidate des Républicains. Reconquête! réunit 131.000 adhérents : c’est davantage que le RN et LR cumulés ! Le parti a, à sa tête, une équipe de grande qualité, et, dans ses rangs, une jeunesse dynamique. Il peut s’appuyer sur un tissu d’élus locaux, issu de la quête des parrainages. Nous pouvons bâtir une force nouvelle et originale, pivot de la vie politique de notre pays.

Pourquoi ne pas avoir soutenu Éric Zemmour au moment de la présidentielle ?

J’ai eu des moments d’hésitation bien sûr. J’avais déjà très mal vécu l’échec des élections régionales où, hormis en Provence-Alpes-Côte d’Azur, le RN enregistrait partout une chute de 10 à 20 points… Et j’avais refusé de rejoindre l’équipe de campagne de Marine Le Pen. J’entendais Éric Zemmour dire des choses que je pensais. Je voyais des gens dont je suis proche comme Nicolas Bay ou Marion Maréchal faire le choix de le rejoindre, au mépris de tout calcul ou plan de carrière. Il aurait été plus aisé pour eux – ou pour Guillaume Peltier côté LR – de ne pas bouger. C’est sans doute mon attachement à la dimension collective de la politique qui m’a retenu : les militants comptaient sur moi et je ne voulais pas imposer aux élus de mon groupe à Nice ce bouleversement. J’ajoute que, au mois de février, alors que la situation était compliquée pour elle, Marine Le Pen m’a personnellement appelé pour me demander de ne pas partir… Je me suis tenu à l’engagement alors pris auprès d’elle.

Quel sera précisément votre rôle au sein du parti ?

Ma mission sera territoriale et nationale. Je suis désormais coordinateur régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, région qui a offert le meilleur score à Éric Zemmour, et où nous avons aussi la chance de compter des cadres implantés comme Stéphane Ravier à Marseille ou bien le maire de Cogolin (Var) Marc-Étienne Lansade. J’ai par ailleurs été nommé «délégué national à l’animation», avec comme feuille de route le maintien du parti en activité permanente, en mouvement.

Avec un RN qui revendique la place de premier opposant, quel espace reste-t-il aujourd’hui pour «Reconquête!» ?

Qui a lancé la campagne «Protégeons nos enfants», devançant l’offensive islamique dans nos écoles ? Qui se mobilise à Callac, pour refuser l’implantation de migrants dans ce petit village breton devenu symbole ? Qui a souligné la pertinence de l’union des droites après la victoire de Giorgia Meloni en Italie ? Qui, avec Sébastien Meurant, a fait rejeter le budget immigration du gouvernement en commission au Sénat ? Reconquête!, Reconquête!, et encore Reconquête!. Ce sont aussi ses dirigeants qui participent à l’animation du débat intellectuel avec les conférences d’Éric Zemmour ou encore la mise en avant du concept de droite civilisationnelle que porte Reconquête! et dans lequel je me retrouve. Non seulement l’action de Reconquête! est utile, mais elle est nécessaire.

Jordan Bardella vient d’être élu président du RN. Des alliances avec Reconquête! sont-elles envisagées dans un avenir proche, comme aux européennes de 2024 par exemple ?

Les élections européennes sont bien loin pour envisager leur configuration, mais je pense que de nombreux Français attendent de Reconquête! une voix singulière dans le débat. Au-delà, lors d’une récente séance du Conseil régional de Paca, j’ai présenté une motion pour refuser le projet macroniste d’implantation de migrants dans nos campagnes. Non seulement, les élus RN ont voté ma proposition, mais ils ont vivement applaudi mon intervention. Oui, avec le RN et une partie de LR, des fronts communs peuvent et même doivent exister. Il est grand temps que la droite imite l’intelligence tactique de la gauche et de la Nupes et qu’elle adopte le slogan : «Marcher séparément, frapper ensemble» !

Entretien paru dans Le Figaro le 7 novembre 2022